Aliments bruts, transformés et ultra-transformés : que nous cachent-ils ?

Nous avons débuté cette année 2024 par une campagne de sensibilisation concernant les aliments bruts, transformés ou ultra-transformés. Cette campagne s’inscrit dans un contexte de hausse du surpoids et de l’obésité en Europe, mais également une augmentation de la prévalence des maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension. En effet, l’Inserm (Institut National de la Santé et Recherche Médicale) met en avant « plusieurs études épidémiologiques qui ont retrouvé des associations entre la consommation d’aliments ultra-transformés selon la classification NOVA* et un risque accru de développer des troubles métaboliques comme les dyslipidémies, le surpoids, l’obésité, et l’hypertension artérielle. » (1)

État des lieux

Selon la revue de l’alimentation de la Société Suisse de Nutrition SSN « en Europe, la consommation de produits solides ultra-transformés est passée de 109 à 115 kg par personne et par année entre 2008 et 2018. » Giulia Pestoni (FFHS), Valeria Maluf (HES-SO Genève) et leurs équipes ont examiné les résultats de l’étude menuCH, sur la base de la classification NOVA. Elles ont constaté qu’en Suisse la consommation d’aliments ultra-transformés contribuait entre 27 et 32% en moyenne à l’apport énergétique quotidien. Si l’on compare ce chiffre à celui des autres pays européens, on observe qu’en Suisse, la population mange un peu plus d’aliments ultra-transformés qu’au Portugal et en Italie, mais moins qu’en Allemagne, en Angleterre, ou en France; moins aussi qu’aux Etats-Unis. (2)

Dans un compte-rendu du conseil d’État du canton de Vaud de 2020, il est mentionné que « du côté des enfants et des jeunes, une revue systématique de littérature a trouvé des associations positives entre la consommation des aliments ultra-transformés et la graisse corporelle durant l’enfance et l’adolescence. » (4) Ces affirmations soulignent l’urgence à agir face à l’impact de ces aliments ultra-transformés et notamment auprès des enfants. A ce jour, malgré de nombreuses études confirmant l’impact des aliments ultra-transformés sur la santé, aucune recommandation concernant leur consommation n’a été établie par le gouvernement suisse.

En effet, en France, on estime qu’entre 30 et 35 % des calories ingérées par les adultes proviennent d’aliments ultra-transformés. (3) Pour contrer l’augmentation de ce pourcentage, le quatrième Programme National Nutrition Santé (PNNS) affichait comme objectif de « réduire la consommation des produits ultra‑transformés de 20 % ». Mais que fait la Suisse ?

 

 

 

 

 

 

Mais alors, de quoi parle-t-on ?

Tout d’abord, définissons les termes d’aliments bruts, transformés et ultra-transformés. Ci-contre, vous trouverez une infographie réalisée par Swiss Food Academy afin de vous éclairer !

Un aliment ultra-transformé est un aliment qui a subi différents procédés industriels. Il y a souvent un ajout d’additifs et une liste comportant plus de 5 ingrédients (exemples : les plats préparés (frites, nuggets, lasagnes, soupes déjà faites…), les boissons sucrées (sodas), les céréales du petit-déjeuner).

Ces aliments ultra-transformés ont subi différentes étapes de transformation, telles que le cracking*, aussi appelé fractionnement. Mais alors qu’est-ce que cette transformation implique ?  Il s’agit de la destruction de la matrice alimentaire, c’est-à-dire de la structure de l’aliment.  Ainsi, cela affecte la façon et la vitesse dont notre organisme arrive à digérer certains nutriments qu’ils contiennent. Il existe également de nombreuses autres transformations comme la pasteurisation*, l’hydrogénation*

 

Prenons pour exemple d’une carotte et d’une soupe de carotte industrielle. La soupe de carotte est un produit transformé voire ultra-transformé dans certains cas. En effet, on peut parfois noter la présence d’additifs* (conservateurs, épaississant), de sucres ajoutés, de sel et d’amidon de riz. Ainsi, lorsqu’on mange une soupe industrielle, comparée à une carotte, il n’y a pas d’étape de mastication. De plus, la quantité de fibre est également grandement diminuée (on passe de 2,7g à 1,2g de fibre pour 100g de produit). C’est pour cela que l’on observe une diminution de la satiété, les sucres passent plus vite dans le sang comparé à l’ingestion de l’aliment brut, ici la carotte.

En effet le degré de transformation et donc la diminution du taux de fibre va notamment jouer sur l’indice glycémique (influence sur le taux de glucose sanguin 2h après son absorption) et la satiété. Selon l’Inserm, c’est principalement ici que réside leurs impacts sur la santé, à savoir le risque accru de développer des maladies chroniques (obésité, maladies cardiovasculaire, diabète).(5)

De plus, ces aliments sont d’une qualité nutritionnelle plus faible, ils sont plus riches en graisse (surtout des acides gras saturés*), en sucres et également en sel mais faibles en fibres et en vitamines.

On voit l’abondance des produits ultra-transformés et notamment dans nos rayons de supermarchés. En effet, prenons pour exemple la base de données Open Food Fact : sur la totalité des aliments disponibles dans ce logiciel, 17’404 sont répertoriés selon le système NOVA sur le site suisse. La majeur partie des produits alimentaires sont qualifiés de transformés ou d’ultra-transformés (NOVA 3 ou 4), tandis que les groupes 1 et 2 de la classification NOVA sont moins représentés. (6)

Ces aliments sont dorénavant accessibles partout. Selon l’analyse des tendances relatives à l’utilisation des denrées alimentaires en Suisse publiée dans le bulletin nutritionnel 2019, les denrées alimentaires hautement transformées sont plus facilement disponibles sur le marché. (7)(8)

Ci contre, vous trouverez une infographie à propos de la pizza, aliment ultra-transformé phare de nos rayons.

Notre enquête

Swiss Food Academy a élaboré un questionnaire sur les habitudes de consommation et les pratiques alimentaires. Celui-ci avait pour but d’évaluer les habitudes de consommation alimentaire des personnes interrogées concernant les produits ultra-transformés et leur utilisation du nutriscore. Nous avons pu constituer un panel de 120 personnes entre 18 et 65 ans.

Mais alors comment Swiss Food Academy agit sur le terrain pour sensibiliser à cette thématique ?

Cette campagne de prévention sur la thématique des aliments ultra-transformés s’est déroulée à la fois sur nos réseaux sociaux, notamment instagram (@swissfoodacademy) avec la production de contenus pédagogiques et vulgarisations mais aussi sur le terrain avec les ateliers  « les p’tits détectives : tout sur ton assiette pleine d’énergie ».

Ci-dessus, vous pourrez retrouver quelques contenus pédagogiques produits par Swiss Food Academy lors de la diffusion de la campagne de prévention sur nos différents réseaux sociaux. Le but étant de décrypter puis transmettre une information claire et compréhensible de tous afin de rendre, petit à petit, chacun compétent en matière d’alimentation !

Les ateliers « les p’tits détectives » menés sur le terrain auprès des enfants leur ont permis de décrypter les étiquettes de différents produits. Ils ont ainsi pu aborder la thématique des aliments bruts, transformés ou ultra-transformés en menant un enquête sur nos emballages, et en réalisant une dégustation d’un produit de l’état brut à ultra-transformé.

Ci-contre, un des outils pédagogique élaboré par Swiss Food Academy pour permettre aux enfants de repartir avec pleins de nouvelles connaissances sur cette thématique !

Rédigé par Lise Le Clech, stagiaire en master Nutriton et Sciences des Aliments chez Swiss Food Academy

Glossaire 

Classification NOVA : NOVA est une classification qui catégorise les aliments en fonction de leur degré de transformation. Carlos Monteiro et son équipe proposent la classification NOVA au début des années 2010. La classification NOVA signifie « nouveau » en portugais. Elle a récemment été mise à jour en 2016. 4 Groupes : Les aliments bruts non/peu transformés, les ingrédients culinaires, les aliments transformés, les aliments ultra-transformés.

Acides gras saturés : les acides gras saturés constituent essentiellement une source d’énergie pour l’organisme. Certains d’entre eux (acide laurique, acide myristique et acide palmitique) peuvent avoir une influence défavorable sur les lipides sanguins. Concernant les apports recommandés : au maximum un tiers de l’apport lipidique, au maximum 10% de l’apport énergétique quotidien. Sources : viande et charcuteries, beurre, lait et produits laitiers, graisse de coco et de palme, graisses transformées industriellement (produits prêts à l’emploi).(10)

Additifs : Les additifs permettent d’améliorer les propriétés d’un aliment, d’en prolonger la durée de conservation ou d’en augmenter la sécurité. Ils peuvent être naturels ou artificiels. Leur utilisation est admise s’ils sont sans danger pour la santé et indispensables d’un point de vue technologique. Par ailleurs, leur utilisation ne doit pas induire les consommateurs en erreur. Un producteur de denrées alimentaires ne peut utiliser que les substances qui ont fait l’objet d’une évaluation. (11) Il existe 7 familles d’additifs selon leur effet : les colorants, les conservateurs, les anti-oxydants, les émulsifiants, gélifiants, épaississants et stabilisants, les acidifiants, les exhausteurs de goût, les édulcorants.

Cracking (fractionnement) : un procédé industriel qui permet de fractionner un produit brut, entier. Les méthodes pour isoler les briques élémentaires de l’aliment consistent en l’extraction par des solvants, la purification, les hydrolyses chimiques et/ou enzymatiques souvent à hautes températures. Ces procédés d’ultra-transformation causent une dégradation extrême de la matrice d’un aliment. 

Pasteurisation : chauffage d’une denrée, à plus de 60 °C mais moins de 100 °C, pour détruire 90 à 99% des bactéries végétatives d’un aliment. Utilisation possible pour le lait ou les jus. (2)

Hydrogénation : L’ajout d’hydrogène à des graisses non saturées permet de les saturer et de les solidifier. Ex.: graisses durcies dans les margarines ou les biscuits. (2)

Bibliographie

(1) La consommation d’aliments ultra-transformés est-elle liée à un risque de cancer ? · InserM, La science pour la santé. (s. d.). Inserm. https://www.inserm.fr/actualite/consommation-aliments-ultra-transformes-est-elle-liee-risque-cancer/

(2) SNN-SGE. (2023). Revue de l’alimentation de la Société Suisse de Nutrition SSN – Produits ultra-transformés. Tabula, 2/23. https://www.sge-ssn.ch/media/ct_protected_attachments/fcee9452c9fbd30a1616d28dc9a66e/SGE_Tabula_02-2023_FR.pdf

(3) Calixto Andrade, G.; Julia, C.; Deschamps, V.; Srour, B.; Hercberg, S.; Kesse-Guyot, E.; Allès, B.; Chazelas, E.; Deschasaux, M.; Touvier, M.; et al. Consumption of Ultra-Processed Food and Its Association with Sociodemographic Characteristics and Diet Quality in a Representative Sample of French Adults. Nutrients 2021, 13, 682. https://doi.org/10.3390/nu13020682

(4) Conseil d’Etat – Canton de Vaud. (2020). Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Andreas Wüthrich – Out les AUT ou, comment endiguer l’affluence des produits alimentaires ultra-transformés ? Dans Conseil d’Etat (19_INT_311). https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/gc/fichiers_pdf/2017-2022/19_INT_311_TexteCE.pdf

(5) Pas si super – c’est quoi un aliment ultra-transformé ? · InserM, La science pour la santé. (s. d.). Inserm. https://www.inserm.fr/c-est-quoi/pas-si-super-cest-quoi-un-aliment-ultra-transforme/

(6) Open Food Facts. [En ligne]. Liste des Groupes NOVA – Suisse. Disponible: https://ch-fr.openfoodfacts.org/groupes-nova

(7) Bertoni Maluf, V. A. (2021). Description de la consommation d’aliments ultra-transformés chez les jeunes adultes de Suisse romande [Thèse de master, Université de Lausanne UNIL]. https://www.hes-so.ch/fileadmin/documents/HES-SO/Documents_HES-SO/pdf/sante/master/Sante_MScSa/2021_MScSa_TM_Bertoni_Valeria_DIFOK.pdf

(8) Krieger, J., Chatelan, A., Pestoni, G., Sych, J. M., Faeh, D., Bochud, M., & Rohrmann, S. (2018). Bulletin nutritionnel Suisse 2019. OSAV – Bulletin nutritionnel, 2019, 24‑40. https://doi.org/10.24444/blv-2018-0211

(9) Chandon, P., & André, Q. (2015). Les effets du marketing sur les comportements alimentaires. Cahiers de Nutrition et de Diététique, 50(6), 6S69-6S74. https://doi.org/10.1016/s0007-9960(15)30021-3

(10) SNN – SGE. (s. d.). Lipides transparent complémentaire 1. SNN Société Suisse de Nutrition. https://www.sge-ssn.ch/media/Transparents_complementaires_lipides.pdf

(11) De la Sécurité Alimentaire et des Affaires Vétérinaires Osav, O. F. (s. d.). Composants et additifs. https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/lebensmittel-und-ernaehrung/lebensmittelsicherheit/stoffe-im-fokus/inhalts-und-zusatzstoffe.html

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